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Goma : Les librairies en plein air

In Débrouille, Goma, Regions, Société on mars 9, 2009 at 09:10

Librairies en plein air à Goma

Le commerce de bouquins prospère dans la ville de Goma. Sous un soleil de plomb, des bouquinistes étalent à même le sol leurs marchandises. Dans l’enceinte de l’institut de Goma, face de l’Institut Supérieur de Commerce (ISC/Goma), non loin de l’Institut Supérieur d’Informatique et de Gestion (ISIG/Goma), l’emplacement est important pour se rapprocher de la clientèle essentiellement constituée d’étudiants.

« Nos fournisseurs sont souvent des religieux qui nous laissent leurs manuels lorsqu’ils voyagent. Des particuliers possédant des livres et qui veulent s’en débarrasser nous contactent aussi et discutons des prix. En Sinon, il nous arrive de nous déplacer vers le Burundi, le Rwanda et même l’Ouganda pour chercher les livres », confie Donatien, bouquiniste depuis cinq ans.

Pas de prix préétabli ici, l’humeur du jour et la capacité de négociation du client l’emporte. « Ça marche pas mal. Nous n’avons personne derrière nous pour réguler notre activité. Nous sommes maître de nous-mêmes », se réjouit Donatien, tout en reconnaissant que la vente en plein air n’est pas toujours facile. Les jours de pluie sont les plus durs et devoir tous les matins étaler sa marchandise et la remballer le soir est contraignant. L’idéal selon lui est de trouver un local pour abriter leurs ouvrages.

Les bouquinistes de Goma proposent des ouvrages dans des disciplines variées, des mathématiques aux langues, en passant par l’informatique ou la philosophie. Un titre m’a intéressé personnellement : « le pouvoir des médias ». Je l’ai eu à six dollars américains. Je ne sais pas combien il coûte réellement, mais je pense avoir bien négocié le prix. Ne dit-on pas d’ailleurs que le savoir n’a pas de prix ?

Bukavu : Diplômés dans la débrouillardise

In Bukavu, Débrouille, Regions on mars 8, 2009 at 08:09

Une jeune photocopieur à Bukavu

Ils sont plantés par dizaines devant les bâtiments avec leurs machines à photocopier et ils proposent à qui le veut leurs services. Lorsqu’on vit dans un pays où trouver un emploi relève du miracle, on apprend à faire avec les moyens du bord pour lutter contre la crise et survivre.

« J’ai une licence en sciences commerciales après cinq années infructueuses dans la recherche d’un emploi, j’ai opté pour la débrouille », confie Rémy, un jeune « photocopieur ». « J’ai reçu ma photocopieuse de mon grand frère qui vit en Belgique et en échange, je dois prendre en charge mes vieux parents et ma propre famille », ajoute-t-il.

En plus de la nourriture pour sa famille, l’argent gagné dans ce petit business permet à Rémy de payer son loyer. Comme tous les autres débrouillards congolais, ce jeune homme garde espoir et croit en un lendemain meilleur. Mais en attendant, il vit au « taux du jour » comme on dit ici.

La débrouille comme récompense pour tous ces jeunes congolais qui étudient dans des conditions très difficiles. Longues distances à pied, frais académiques exorbitants, syllabus et supports de cours vendus au prix fort, tout ça pour finir dans un petit métier. Autant de cerveaux disponibles qui ne demandent qu’à travailler pour leur pays mais qui chôment. Comment espérer que le Congo s’en sorte avec des réalités de ce genre ?

Pendant ce temps, ceux qui sont censés représenter le peuple et répondre à ses attentes s‘affairent à se tirer les cheveux pour tel ou tel autre poste politique. Ces mêmes politiques congolais, incapables de remettre les choses sur les rails dans leur pays, envoient leurs enfants étudier et se réfugier en occident.

Kinshasa : Le business des ordures

In Débrouille, Kinshasa, Société on mars 7, 2009 at 08:23

Un ramasseur d'ordures dans une rue de Kinshasa

Kobeta libanga, travailler dur pour gagner son pain, est une réalité, un mode de vie à Kinshasa. Le mot « retraite » n’existe pas dans le vocabulaire des Kinois. Etre vieux n’exempte pas de l’article 15, bien connu des kinois et qui stipule clairement : débrouillez-vous !
J’ai rencontré dans mon quartier un vieux qui correspondrait bien au vieillard du célèbre poème « le laboureur et ses enfants ». Son métier : récolter des ordures dans chaque parcelle en échange de quelques billets de banque.

« C’est depuis 1961 que je suis dans ce métier. A cette époque, je travaillais pour une société belge, mais le soir, je faisais du ramassage d’ordures pour arrondir les fins de mois», raconte le grand-père.

Le business du vieux débrouillard est bien organisé. Il s’est arrangé avec ses clients et fixé les jours de son passage. Le jour de la récolte, pas besoin de parlementer, tout le monde sait bien comment ça fonctionne.

Une fois son chariot plein et son argent dans les poches, il se débrouille pour aller déverser son contenu dans une des décharges publiques à ciel ouvert et en pleine agglomération dont regorge la ville de Kinshasa. « J’ai touché 3000 francs congolais [environ 5 dollars américains] pour ce chariot plein d’ordures », me lance-t-il lorsque je lui pose la question de savoir si son affaire était rentable. Ce n’est pas une fortune mais la somme ainsi récoltée lui permet de subvenir aux besoins des siens.

Quant aux risques relatifs aux maladies, ils n’ont pas l’air de décourager papy. C’est dans ces moments que ressort la fameuse phrase « moto moyindo akufaka na microbes te ! » traduisez : « l’homme noir est invulnérable aux microbes ! »

Kisangani : Le phénomène « Enfants sorciers » fait deux victimes de plus

In Kisangani, Société on mars 6, 2009 at 08:29

Le pont sur la rivière Tshopo à Kisangani

Dans la nuit du samedi 28 février dernier, aux alentours de 22 heures, une fillette de 8 ans et un petit garçon de 13 ans ont été amenés par leur oncle paternel au Pont Tshopo sur la rivière qui porte le même nom. Arrivés sur le pont, l’oncle poussa, délibérément, un après l’autre, les deux enfants du haut des allées du pont vers la rivière. Les corps sans vie de ces deux enfants ont été découverts le lendemain par des pécheurs.

La raison de ce geste odieux n’est pas à chercher bien loin : une semaine plus tôt, un pasteur, venu réconforter l’oncle après la mort de son bébé suite à une courte maladie, « l’homme de Dieu » avait affirmé que le Saint-Esprit lui avait révélé que les deux enfants dont il avait la garde (lesquels sont des enfants de son jeune frère) étaient des sorciers et qu’ils étaient à la base du décès du bébé.

Après avoir commis son horrible crime, l’oncle assassin n’a pas pu garder le secret. Il est allé voir le lendemain son pasteur pour implorer le pardon pour son péché. Ironie du sort, après avoir relaté son histoire à son pasteur, ce dernier l’a dénoncé à la police. Sachant pertinemment qu’il était lui aussi lié à cette affaire, le « pasteur » a ensuite pris le large.

Du lieu où il est détenu en attente d’un procès public tel que sollicité par l’autorité urbaine, le criminel signe et persiste : « Mon pasteur m’a dit que les deux enfants ont avoué devant lui qu’ils avaient mangé le bébé. Ma nièce de 8 ans a même déclaré que la chair de mon bébé avait un goût amer ».

Encore une histoire mettant en cause ces prédicateurs qui se spécialisent dans la détection des sorciers. Ils ne mesurent pas les tensions sociales que suscitent leurs incriminations et plus grave, il y a toujours assez naïfs pour jouer le jeu.

Affaire à suivre… Nous attendons le dénouement de la procédure judiciaire.

Lubumbashi: Guerisseurs ambulants, salut ou danger pour la population?

In Lubumbashi, Regions, Santé, Société on mars 5, 2009 at 08:43

Un Tradi-praticien vendant ses potions dans une rue de Lubumbashi

Munis de mégaphones, sacs remplis de racines, ils sont facilement reconnaissables. Appelés « Docta » ou « Docteurs », les charlatans ambulants sont de plus en plus nombreux sur les places publiques de la ville de Lubumbashi. Certains se déplacent à vélo, d’autres à moto et ils débouchent de tous les coins et quartiers pour converger vers le centre ville. « J’ai la solution pour tous les maux… Stérilité, impuissance sexuelle, hémorroïdes,… », ces nouveaux guérisseurs disent apporter des solutions face à un système médical complètement en panne.

Consultation gratuite et thérapie avec des plantes, donc moins coûteuses, les « Docta » poussent le bouton jusqu’à présenter leur business comme une réelle alternative, salutaire face à des médecins congolais continuellement en grève parce que non payés.

Les avis sont partagés face à ce phénomène. Si certains considèrent que la croissance du nombre de ces médecins improvisés est un danger public, d’autres le voient comme un mal nécessaire. « Contrairement aux hôpitaux qui ne reçoivent que ceux qui ont beaucoup d’argent, les tradi-praticiens au moins sont accessible à tous », soutient Mme Junette, une des plus fidèles clientes des docteurs de la rue.

Un nombre assez important de gens se sont fait berner et ont réalisé bien après que les feuilles ou les racines qu’ils se sont donné la peine d’ingurgiter n’avaient aucune vertu thérapeutique. On peut se demander où sont les autorités censées légiférer sur ces pratiques. Les charlatans opèrent en toute quiétude et on ne peut même pas compter sur une justice elle-même au ralenti, pour poursuivre les responsables des dérapages qui ont des conséquences néfastes sur la santé de la population.

Kinshasa : Une vie de fou, oubliés par l’Etat!

In Kinshasa, Société on mars 4, 2009 at 09:43

Un fou couché dans une fosse à Kinshasa

Pas loin de chez moi il y a quelques jours, j’ai vu un jeune homme lorgner, l’air inquiet, dans un grand trou au bord du chemin, avant de poursuivre sa route. Curieuse, je me suis approchée pour voir ce qui pouvait bien se passer. Quelle ne fut ma surprise de voir un fou, endormi paisiblement au fond de la fosse d’une profondeur de près de 3 mètres, creusé par les jeunes du quartier pour retenir les eaux de pluie responsables des érosions.

N’eut été le fait qu’il ait bougé précisément au moment où j’arrivais, je l’aurais cru mort. Cette scène ne devrait normalement pas me surprendre. A Kinshasa, les fous ont la liberté de trainer où ils veulent. Comme l’Etat les ignore délibérément, chacun essaie de s’en sortir comme il peut. Certains s’installent aux abords des décharges publiques, qu’ils considèrent comme leur garde-manger, d’autres encore en plein centre-ville, sous l’œil indifférent des administratifs.

Au meilleur des cas, ces malades mentaux amusent les passants par leurs drôleries, au pire, ils les agressent, constituant ainsi un danger public permanent. Dans certains quartiers, on évite d’emprunter certaines artères de peur de tomber sur le fou du coin. Et il n’est pas rare de retrouver le corps d’un fou, mort pendant la nuit, et on ne saura jamais de quoi.

En santé publique, comme dans beaucoup d’autres domaines, l’Etat congolais est démissionnaire. Il n’y a qu’à visiter le CNPP, Centre neuropsychopathologie du Mont-Amba, autrefois réputé pour ses éminents médecins et son matériel de pointe, pour se rendre compte que réellement, en matière de santé publique, la RDC n’est pas encore sortie de l’auberge. Et ce n’est pas pour demain la veille !